Douleurs des chrétiens en Syrie, aujourd’hui produisent foi, unité et solidarité

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Mgr Boutros Marayati, archevêque d’Alep des Arméniens Catholiques témoignait de la situation actuelle des chrétiens en Syrie lors d’une conférence, le 5 mars 2016 à Valence. Mgr Marayati répondait à l’invitation du Diocèse de Valence (Drôme) avec lequel un jumelage est en cours.

L’idée d’un jumelage du Diocèse de Valence (Drôme) avec l’Archidiocèse Arménien catholique d’Alep en Syrie a commencé à germer, en janvier 2015. Il est motivé par la présence de nombreux arméniens à Valence, dont certains ont des liens très forts avec Alep, la situation de détresse des Syriens et les encouragements à s’ouvrir sur la dimension universelle de l’Eglise et de sa mission.

Les premiers actes de ce jumelage ont été une quête le 15 août 2015, et un appel aux dons pour venir en aide aux chrétiens de Syrie, puis une marche silencieuse pour la paix à ALEP le mercredi 11 novembre 2015 à Valence. Pour donner un visage à ce jumelage, le Diocèse de Valence a accueilli Mgr Boutros Marayati, l’Archevêque arménien catholique d’Alep. Accueillant cet invité et les participants à cette soirée, Mgr Pierre-Yves Michel, évêque de Valence rappelait les liens qui unissent la communauté arménienne et les églises de Valence avec les chrétiens arméniens d’Alep.

« Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux… Au cœur même de l’épreuve, vous êtes témoin de l’espérance et de ce désir de paix.», Mgr Michel accueillant Mgr Marayati

Deuxième ville de Syrie, Alep est divisé en deux, d’un côté les rebelles au gouvernement de Bachar el-Assad tirent mortier et obus sur le côté tenu par l’armée officielle où se sont réfugiés les chrétiens. Si le cessez-le-feu actuel présente une période toute relative de calme, les destructions sont toujours là. L’archevêché d’Alep est devenu un centre social pour aider les gens subissant la guerre.

« Aujourd’hui, on est devenu pauvre, on est des mendiants, à attendre un secours qui arrive toujours par l’intermédiaire de l’église. » Mgr Marayati

Alep est en train de mourir, c’est un cri d’alarme lancé pour sauver les chrétiens d’orient. Chaque jour des gens meurent mais il y a « un reste » celui de l’écriture sainte, un petit troupeau car la vie doit continuer comme une résurrection. Mgr Marayati rappelait le génocide subi par les arméniens pour en faire un parallèle à la situation des chrétiens syriens aujourd’hui. Les arméniens ont subsisté à ce génocide. C’est un peuple ressuscité. Les chrétiens d’orient veulent pouvoir continuer à vivre à Alep et en Syrie.

Actuellement, c’est la survie qui est organisée par les églises. Après avoir remercié les chrétiens de la Drôme pour leur don, il expliquait comment, au sein de son archevêché il doit organiser la subsistance des familles chrétiennes : panier alimentaire, lot d’hygiène, couverture, vêtement, eau, pétrole… 650 familles bénéficient de cette aide. 1000 enfants scolarisés dans 4 écoles privés dont 160 universitaires, sont aidés pour qu’ils puissent poursuivre leurs études avec 150 enseignants. Des enfants de 5 ans n’ont connu que la guerre ! Et les malades doivent être aussi aidés… 100 hôpitaux existaient à Alep, seul 5 sont fonctionnels aujourd’hui. A l’appui de sa description une vidéo en arménien montrait la destruction, et le vécu des chrétiens parmi ces ruines.

Comment reconstruire cette ville martyre ? La moitié d’Alep est détruite, la moitié des églises ont été pillées, brûlées… La moitié des chrétiens ont fui, au Liban, en France, au Canada… par peur de mourir. Mais le reste veut reconstruire… Des équipes d’architectes, d’ingénieurs en bâtiment et de chefs de chantier, font l’inventaire des maisons atteintes, et les familles sont aidées pour réhabiliter leur maison. Reconstruire comme pour réparer les « brèches » de la ville. Le souhait de ces chrétiens d’orient est de rester. Ils sont originaires de ce pays et désirent sauvegarder ces valeurs chrétiennes dans ce moyen orient où les chrétiens sont présents depuis le 1er siècle bien avant l’islam. Paul est devenu est chrétien à Damas, capital de Syrie. C’est à Antioche, à 80 kms d’Alep que les disciples du Christ ont pris le nom de chrétiens.

« C’est pourquoi, comme le dit le Pape, il faut que le moyen orient reste chrétien. On ne peut comprendre le moyen orient sans les chrétiens » Mgr Marayati

 

Malgré tout ce chaos, cette guerre très sale, Mgr Marayati nous partageait trois choses positives que les chrétiens d’Alep ont apprises et vivent aujourd’hui à Alep.

  • La foi : c’est un temps fort de l’espérance des fidèles, les églises sont pleines. Les gens croient et prient plus qu’avant, comme le Christ l’a enseigné, des esprits malins ne sortent que par la prière et le jeûne. Et les fidèles d’Alep ne font que répéter avec le psalmiste : il est mon rocher, il est mon salut, ma lumière. La foi et la confiance de ces chrétiens est un encouragement pour les pasteurs de ces églises.
  • L’esprit d’unité, d’œcuménisme pour travailler ensemble : A Alep, 11 communautés chrétiennes sont implantées : 6 églises catholiques, arménienne catholique, maronite, grec melkite, chaldéenne, syriaque catholique, et catholique latine arrivée avec les croisés ; 3 églises orthodoxes arménienne, grecque et syrienne, 2 églises protestantes, arménienne et arabe. Des réunions régulières de l’ensemble des églises permettent d’organiser la vie quotidienne. « On est tous ensemble, catholiques, protestants, orthodoxes… On ne peut plus faire de différence » A la fois c’est l’œcuménisme du sang, le martyr des chrétiens qui atteint toutes les églises, et l’œcuménisme de la solidarité, l’unité du service où il n’y pas de différence entre catholiques, orthodoxes ou protestants. « On est plus forts ensemble, on s’entraide ensemble »
  • La solidarité : « On est solidaire, avant on vivait chacun pour soi maintenant on s’occupe des autres ». Les gens qui vivaient dans leur coquille maintenant s’entraident. Il y a une charité, une compassion, une aide qui est ouverte. Même des musulmans modérés (ils ne sont pas tous terroristes ou djihadistes). qui acceptent l’autre, aident des familles chrétiennes.

« Nous sommes à Alep et nous allons rester. C’est vrai que nous sommes un petit troupeau, mais c’est le troupeau de Jésus… et ceux qui restent, nous savons que Dieu est avec nous » Mgr Marayati

Un chemin de réconciliation devra être trouvé pour que les chrétiens d’Alep et de Syrie puissent vivre paisiblement. Dans les questions qui ont suivi la conférence, Mgr Marayati soulignait le commandement de Jésus qui nous demande d’aimer et de prier pour nos ennemis. Cette prière qui implore son Amour ou qui demande de « changer mon cœur de pierre pour qu’il devienne un cœur de chair », un cœur de sang aimant.

Nathanaël Bechdolff

Crédit photo : Nathanaël Bechdolff

Voir la conférence de Mgr Marayati Archevêque en replay


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